La Galerie Lillebonne, espace culturel d’art contemporain présente

Gérard TItus-Carmel

Vernissage : jeudi 7 mars à 18 heures

Acquis à la pensée que le sort de la peinture, quelle que soit la figure sous laquelle elle se présente, ne se joue nulle part ailleurs qu’au cœur même du lieu où elle se traite et se manœuvre – avec ses outils, sa matière, son espace spécifique, irréductible à sa langue –, j’ai pareillement la certitude que l’aventure du poème ne se mène nulle part ailleurs que dans son précipité au centre du langage. On sait que j’ai l’avantage d’être peintre et de connaître par-là même les vertiges de la page blanche à l’échelle du corps, c’est-à-dire grandeur nature, si je puis dire –, même en travaillant sur les surfaces moins intimidantes que m’offre le papier où je pratique le dessin ou prévoie l’impression de l’estampe : on conviendra donc que j’ai ainsi un certain sens du vide où il faut que le trait se rende nécessaire sans le corrompre, ni que la couleur advienne sans le salir ; mais qui, au vrai, met en jeu de plus subtiles exigences : celles de manier la forme jusqu’à l’oublier dans l’instance même de sa représentation.

(…) C’est ce que je cherche dans l’organisation des signes tracés sur la toile qui me fait front dans l’atelier : un même défi à m’inscrire dans l’ici-présent du monde, avec le vague espoir que tant d’énergie dépensée ne peut coïncider qu’avec une secrète nécessité – et que toutes ces traces me confirment que ce n’est pas seulement un rêve : qu’il y a quelque raison de rompre ici une couleur, de calmer cette surface au gris ou, au contraire, de l’enflammer au rouge, sans que cela soit un caprice ; comme il y a urgence à écrire les mots « ressac » ou « amer » sur la page d’écriture qu’on tend à la marée.

Gérard Titus-Carmel

Extraits de Retour d’écho, éd. Tarabuste, 2012